Rocio Marquez et Arcangel

Chantent Garcia Lorca

Le Festival d'Ile de France qui se déroule tous les automne en région parisienne offre toujours une belle place au flamenco. Pour l'édition 2016, c'est l'accueillant Théâtre de la Cité Internationale qui fut l'hôte d'un concert presque 100% Huelva. Celui-ci affichait complet depuis déjà plusieurs semaines. Car si Rocio Marquez est bien connue et très appréciée du public parisien, Arcangel se fait beaucoup plus rare dans la capitale - on ne se souvient même pas qu'il soit déjà venu chanter ici -, c'était donc une rare occasion de pouvoir écouter le talentueux cantaor. Les aficionados attendaient beaucoup de ce premier grand rendez-vous flamenco de la rentrée, d'autant qu'il était prévu d'y rendre hommage à l'oeuvre de Federico Garcia Lorca.

Rocio Marquez Arcangel

Rocio Marquez fait son apparition sous un tonnerre d'applaudissements, suivie de la six-cordes qui l'accompagne le plus souvent, celle du grenadin Miguel Angel Cortes. Et commence par chanter le poème de Lorca qu'interprétait "La Argentinita", "En el café de Chinitas", en modernisant la dernière letra au rythme de cantes abandolaos, toujours avec une infaillible technique vocale lui permettant des tenues de notes extraordinaires. Un moment teinté d'émotion vivement salué par les spectateurs, pour qui la resplendissante cantaora interprète ensuite un autre poème de Lorca issu du disque "Canciones populares españolas", "Las Morillas de Jaen", avec des échos de solea de Triana, avant d'enchaîner par une formidable mise en musique du poème "Diamante" por Milonga.

La deuxième partie du récital de Rocio se veut plus traditionnelle avec une palette de tangos bien choisis - de Granada et extremeños - où les choristes de Huelva, "Los Mellis", posent leurs choeurs et palmas en accompagnement du cante de Rocio et de la guitare du magistral Miguel Angel Cortès qui se met elle aussi à chanter lors d'une falseta d'anthologie - falseta déjà entendue aux côtés d'Esperanza Fernandez à Chaillot. Des Caracoles de Chacon qui là encore n'ont pas grand-chose à voir avec Lorca, avant de revenir à une version intéressante du "Romance Sonambulo" qui conclut avec force la première partie du récital.

Un sans faute pour la cantaora de Huelva qui a pris de la bouteille et a su se faire une place dans un monde pas toujours tendre pour qui ne vient pas d'une lignée flamenca.

Après le solo de Miguel Angel Cortés qui permet au public d'apprécier la pureté et la sensibilité de son jeu, Arcangel fait une entrée sur scène si discrète que le public le voit à peine arriver. Mais nul besoin de parler pour le cantaor. L'écouter chanter suffit à se faire une idée du phénomène qui se trouve derrière le micro. Avec des mélismes à n'en plus finir et une belle maîtrise du compas, Arcangel se livre à son tour à un bel hommage à Federico Garcia Lorca à travers l'interprétation de thèmes faisant référence au poète de Grenade, à l'exception de la Zambra "Azucena" issue de son dernier album "Tablao" avec laquelle il entame son récital, et les Alegrias de Cordoba qu'il intègre avec toujours beaucoup de succès à son répertoire. Poèmes de l'âme avec "Adan" por Tangos au rythme lent, "Baladilla de los tres rios" se fondant dans le compas des alegrias... et bien sûr des Siguiriyas, un des palos favoris du cantaor qui conclut son intervention par des bulerias a palo seco - El Talavertero -, se baladant d'un bout à l'autre de la scène, s'accompagnant au cajon et profitant des choeurs des Mellis.

Il faut saluer la présence discrète mais efficace du percussionniste Agustin Diassera qui a su adapter son jeu à chaque pièce du concert.

La troisième partie de la soirée réunit les deux protagonistes et réserve une surprise. Après le duo "Los peregrinos", Arcangel et Rocio Marquez se lancent dans une version inattendue de la leyenda del tiempo, le cantaor s'accompagnant à la guitare. Un grand moment pour une grande letra que l'on attribue plus souvent à ceux qui l'on si bien mise en musique et popularisée - Camaron et Tomatito - qu'à celui qui l'a écrite, Federico Garcia Lorca. Et comme il est de coutume avec les artistes de Huelva, la fin de fiesta eut lieu non pas por bulerias mais por fandangos, avec pour finir l'incontournable fandango de Alosno "Calle Real".

En résumé une très belle soirée flamenca qui inaugure avec brio la rentrée flamenca parisienne.


Flamenco Culture, le 01/10/2016

EQUIPE ARTISTIQUE:: Chant - Rocio Marquez, Arcangel
:: Guitare - Miguel Angel Cortés
::Percussions - Agustin Diassera
:: Choeurs et palmas - Los Mellis

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