Comme d'habitude l'intimité de la salle de l’Hôtel des Vignes, un public attentif et respectueux et trois artistes qui donnent le meilleur d'eux mêmes, alors que s'est-il passé ce samedi 14 mai à Rivesaltes pour que cette session soit qualifiée d'exceptionnelle ?
Felipe Mato se plante d'abord seul au milieu de la scène et tout, dans son attitude, sa tenue, dénote de la modernité de son propos. Arrive ensuite le chanteur, Jesús Corbacho, grave avec son costume noir et son visage d'ange. Ils entament un mano a mano « por martinete » et l'élégance passe des mains de l'un à la voix de l'autre, un dialogue fait d'intensité savamment retenue où la clarté des frappes de Felipe répond aux raffinements des mélismes de Jesús. Puis après avoir lâché la bride à la fougue qui les habite ils repartent ensemble tranquilles et sereins.
Dans le solo de guitare qui suit David Vargas déroule ses « Tarantos » avec une puissance évocatrice étonnante. Des cascades cristallines aux tourbillons d'eaux profondes, il parcourt tous les registres dans une sorte de transe dont il sort essoufflé mais heureux.
« Los Tientos » vont enfin réunir la Trinité Flamenca pour que s'accomplisse le miracle : chacun est là pour et avec les autres, l'osmose est parfaite, chaque individualité sublimée, l'ensemble procure une sensation de plénitude et d'émerveillement. Mato est intensément présent, il captive parce qu'il danse, tout et tout le temps, il danse ! Et ses pieds racontent milles histoires d'amour et de mort.
Le chant sans sonorisation qui suit, « Malagueña y abandolaos » loin d'être un simple intermède confirme le talent et la complicité des deux artistes. La « Soleá » fait revenir un Felipe solennel et majestueux. Des taconeos encore plus fulgurants et limpides, des remates* acrobatiques, la fureur va s'emparer des participants jusqu'au final por bulerias.
L'enthousiasme du public explose alors, vite contenu par le danseur qui prend la parole pour remercier les organisateurs de lui avoir procuré le grand plaisir de se produire dans ce format « tan especial que uno puede hacer lo que le da la gana ». Faire selon son envie, cette liberté chère à l'artiste a permis à Felipe Mato de donner le meilleur de ce que l'on a pu voir de lui depuis longtemps. Qui n'aura pas vu Felipe Mato à Rivesaltes ne le connaîtra pas vraiment. « Irrepetible » ? Occasion unique ? Qui sait … Et s'il(s) revenai(en)t bientôt ...
* remate : conclusion énergique d'une séquence chorégraphique ou rythmique.