Tomatito à Perpignan ! L'évènement flamenco de la saison ! Ils sont venus ils sont tous là, les aficionados indécrottables, les nostalgiques de l'époque camaronera, les guitareux de tout poil et les gourmands de culture qu'elle soit flamenca, jazzy, ou latino.
Parce que Tomatito c'est tout cela. Il commence par le thème de « La leyenda del tiempo » et voilà García Lorca, Paco de Lucía et Camarón de la Isla convoqués par ses cordes. Juste après un passage par la case « flamenco traditionnel » il nous offre avec son fils comme seconde guitare un duo poétique et magique sur « Two Much », composition du jazzman Michel Camilo. Plus tard ce sera le « Our spanish love song » standard de Charlie Haden rebaptisé « Our Spain » et mijoté à la sauce flamenca. De la rumba con sabor à Santana, du bolero un soupçon de tango argentin et quelques rythmiques de bossa, l'univers de Tomatito est varié et pourtant comme l'affirme le titre de son album « Soy Flamenco », c'est indiscutablement de l'Arte puro.
Maîtrisant bien l'alternance des styles et des émotions Tomatito traverse le spectacle avec son calme olympien, que d'aucun qualifient de froideur, mais qui traduit surtout une grande humilité et une timidité que plus de quarante ans de scène n'ont pas réussi à gommer. Sans grands effets de cheveux ni de grimaces extatiques il va chercher le déferlement de notes qui fait monter le pouls ou le break suspendu qui coupe le souffle. De ses années d'accompagnateur auprès de la légende du Cante il garde le goût de la belle ouvrage, la rythmique (on dit el compás) incomparable, le sens de la mélodie complète. Ses bulerías ou ses tangos sont de purs bijoux.
Le seul bémol de la soirée viendra du chant, sans véritablement savoir s'il faut l'imputer à la sonorisation qui n'aura pas brillé, ça c'est sûr, ou à l'incompatibilité des deux chanteurs. A chaque intervention conjointe le soufflé retombait, alors que les passages individuels envoyaient de la puissance et de la chaleur, surtout ceux de David de Jacoba avec sa voix profonde et authentique. Mais ces moments de faiblesse ont été complètement balayés par l'intervention stratosphérique de Karime Amaya à la danse. Certes après cet ouragan d'énergie, de grâce et de virtuosité il n'y avait plus grand chose à faire. Mais avec l'insistance du public c'est un joli cadeau, un pot pourri des thèmes de Camarón, que nous a offert Tomatito, « Soy gitano » « Yo vivo enamorao » « Caminando » et bien d'autres. Les sources, toujours les sources. Plus les racines sont profondes, plus l'arbre est grand et Tomatito n'oublie jamais les siennes. Olé !