La cantaora gaditane Encarna Anillo débute demain une tournée de concerts et stages en France qui l'emmènera de Grenoble à Paris en passant par Lyon. Elle nous parle de la tournée ainsi que de ses nouveaux projets.
Oui le public français m'a connue en tant qu'artiste et cantaora en solitaire à la Peña Flamenco en France, mais j'ai aussi parcouru presque toute la France avec la compagnie d'Andrés Marin depuis le début du spectacle "Mas allà del tiempo" en l'an 2000.
Ce fut aussi un plaisir d'être programmée dans deux festivals importants de ce pays, comme l'est celui de Toulouse, et au festival de Mont-de-Marsan où j'ai partagé une soirée au Café Cantante avec le maestro El Pele il y a un an.
Ce nouveau projet est né de l'envie que j'ai de continuer à porter la musique à travers le monde et continuer à parcourir la France, une terre pour laquelle j'ai beaucoup d'affection. Cela est né d'une jolie conversation avec une élève de cante qui vit à Grenoble, et de sa volonté de me faire venir avec un spectacle là-bas. Nous nous sommes mis immédiatement à l'organiser, et c'est avec la motivation et la joie de tous que cette jolie tournée de concerts et de stages a été possible.
Tu vas présenter ton nouveau spectacle "Mar de coplas" où tu partages la scène avec ton guitariste et mari Andrès Hernandez "Pituquete", peux-tu nous donner un avant-goût du spectacle ? Vas-tu chanter des styles de Cadiz ? Avec des letras traditionnelles ou personnelles ? Andres va-t-il jouer des thèmes de son nouveau disque ?Dans le spectacle "Mar de Coplas", il y aura un peu de tout car je fais un parcours des cantes de ma terre (Cádiz) tant avec des letras traditionnelles qu'avec des compositions nouvelles. Avec la grandeur qu'a la Mer, ainsi sera le parcours musical du spectacle. Andrès Hernàndez "Pituquete" est le directeur musical du spectacle, et il y aura sûrement quelques extraits de son dernier album "Abra", avec lequel il revient de sa tournée latino-américaine, au Brésil et au Chili.
Depuis Cádiz m'accompagne aussi à la percussion et pour un stage de palmas un fabuleux artiste et ami d'enfance qui est aussi de Cádiz, Roberto Jaén, le frère du bailaor El Junco. Et au baile nous compterons sur la collaboration de Lori La Armenia.
Tu vas aussi donner un stage de chant et un autre de codigos flamencos pour le baile, c'est très intéressant, quel sera le contenu des deux stages ?Oui je vais faire un atelier de cante et de codes d'improvisation à Lyon et Paris. Le contenu de l'atelier de cante est basé sur l'apprentissage des styles et leur organisation, car il y peu de connaissance du cante. L'atelier s'adresse à tout type d'élève : bailaores, musiciens, cantaores, chanteurs etc... tous quel que soit le niveau. L'atelier de cante consiste, comme son nom l'indique, à approfondir le palo flamenco qui sera étudié, sa structure, ses mélismes, ses mélodies, son histoire, son agencement... quelque chose d'intéressant aussi, comment il se fait pour le baile et pour le cante a'lante, comme on dit dans le language flamenco.
L'atelier de codigos d'improvisation est une expérience à vivre car il est difficile de le définir et de l'expliquer avec des mots. Je peux dire que les gens n'ont pas le courage d'improviser, ils ont très peur de sortir sans avoir regardé ni répété... c'est quelque chose qui vient de ce que j'observe depuis plusieurs années. Quand j'étais petite j'étais bailaora et ensuite j'ai grandi autant avec le baile qu'avec le cante a'lante, alors il s'agit d'aider tous ceux qui en ont besoin à profiter du flamenco pour que ce ne soit pas une souffrance constante comme ça l'est pour la majorité des danseurs et des musiciens depuis quelques années par ici (surtout les étrangers)...
Le cante pour le baile est une discipline que tu connais bien, tu l'as appris notamment en accompagnant des artistes de la taille d'Antonio Canales, Israel Galvan ou Farruquito, que t'apporte le fait d'accompagner le baile, qu'est-ce qui est le plus compliqué dans l'accompagnement du baile ?Le cante pour le baile est l'université de tout cantaor qui veut faire carrière en solitaire, et j'ai eu la chance d'apprendre de grands artistes. Ce qui m'attire le plus dans le cante pour le baile est l'attention qu'il faut avoir tout le temps sur scène, car à ce moment-là, tu as une obligation envers le bailaor, et tu dois faire ce qu'ils veulent, alors cela t'oblige à apprendre beaucoup de palos de cet art. Le plus compliqué c'est d'être à la hauteur de chaque bailaor, car j'ai eu l'ocassion de chanter la même semaine à des bailaores aussi différents qu'Israel Galvàn et Farruquito.
Tu es très liée à la famille Farruco, comment vous êtes-vous rencontrés ?J'ai connu la famille Farruco à un mariage à Cádiz, celui de son guitariste de toujours Romàn Vicenti. Ce fut une soirée pleine de magie car Farruquito comme moi avions 12 ans, et bien sûr, de fil en aiguille, il s'est créé une juerga, et j'ai commencé à chanter, et quand j'ai ouvert les yeux je me souviens que j'avais Juan devant moi qui dansait pour moi, et depuis ce jour-là il m'a choisie comme sa cantaora, ensuite le maestro Farruco m'a écoutée chanter chez lui et l'a confirmé, cela fait 22 ans déjà...
Que t'apporte le fait de faire partie de la compagnie de Farruquito ?Ce qui m'attire dans le fait de faire partie de la compagnie des Farrucos, justement ce n'est pas ça. Je n'appartiens pas à la compagnie, mais plutôt à la famille. Cela fait 22 ans de vécu tant sur scène qu'en dehors de la scène. Et il y a bien sûr la capacité qu'il ont toujours à profiter de la scène et leur engagement dans l'arte à tout moment. Les meilleurs moments de ma carrière de cantaora pour le baile sont indiscutablement avec eux.
Ton premier disque, "Barcas de Plata" est sorti il y a déjà 7 ans, en 2008, c'est un bijou et les aficionados en attendent un deuxième bien sûr... est-ce que c'est en projet ? Sinon quels sont tes projets ?Merci pour tes gentilles paroles sur mon disque "Barcas de Plata", qui fut une grande expérience de ma vie qui m'a fait grandir et mûrir sur beaucoup de choses. Bien sûr l'aficion mérite un nouveau disque, il est en route, mais il faudra attendre un peu, car au mois de décembre de cette année va voir le jour le nouveau travail discographique avec mon frère José Anillo "Voz de Agua, Voz de Viento". Un disque très flamenco où l'union fait la force, nous faisons un parcours des cantes flamenco, avec des compositions nouvelles et traditionnelles, toujours évidemment avec le son et la saveur de Cádiz par dessus tout.
Y-a-t-il un cante que tu aimes le plus chanter ?Il y a quelques années je t'aurais dit un cante en particulier, mais maintenant non, vraiment... car chaque cante a une couleur différente qui te fait ressentir un sentiment différent dans chaque palo. Je ne pourrais pas en choisir un en particulier. Ils sont tous merveilleux et grands.
Comment définirais-tu le flamenco de Cadiz, et en particulier son cante ?Le flamenco de Cádiz, je le définis de la même façon que la terre : joyeux, lumineux, détendu, et plein de grâce et d'espièglerie. Sincère et profond comme nous sommes les gaditans avec notre terre.Le cante de Cádiz et ses styles, sont ainsi plus parlés que chantés, avec leurs pauses et leurs détails. Ils sont très personnels et se différencient du reste des palos de l'arbre généalogique du flamenco.
Tu as beaucoup de maestros de référence dans le cante, mais si tu devais choisir un miroir dans lequel te regarder, quel serait-il ?c'est vrai, il y a beaucoup de maestros dont je m'inspire et je les remercie de ce qu'ils m'ont légué dans le flamenco. Mais si je dois choisir un miroir dans lequel me regarder ce sera bien sûr dans les maestros de ma terre qui sont nombreux, j'en suis fière et je dois continuer à porter les cantes de ma terre comme drapeau et les livrer au monde.
Pour quelle raison as-tu décidé de te consacrer au cante alors qu'à la base tu te destinais au baile ?Le fait de me consacrer au cante, je ne sais pas si ce fut un hasard ou bien une causalité...(sourire pour le jeu de mots en espagnol, casualidad o causalidad) Quand je dansais, mon frère José a commencé à chanter car j'aimais qu'il chante pour moi lorsque je dansais. A la maison quand je répétais les bailes, je chantais les letras moi-même sans m'en rendre compte, et ce fut mon frère qui prit conscience que je pouvais aussi chanter. A partir de ce moment j'ai commencé à faire des peñas flamencas à Cádiz et sa province en chantant et dansant, jusqu'à ce qu'à l'âge de 14 ans je me décide à chanter et à me consacrer au cante et à sa connaissance profonde. Mais la bailaora que j'ai été est toujours en moi, et elle sort toujours dans mes concerts (rires).
Quelle serait ta définition du flamenco ?Difficile à définir... mais comme je le ressens c'est : Vie, Amour, Don, Joie et Sentiment véritable, tout cela pour moi est le flamenco.
A Paris tu vas chanter dans un lieu, le Théâtre El Duende, qui est tenu par des chiliens, ton lien avec le Chili étant très fort, cela va être très spécial de te produire là-bas, car le Chili est comme ta deuxième patrie non ?Mon lien avec le Chili est très fort car mon mari Andrés Hernández "Pituquete" est chilien, est la Cordillère des Andes devient de plus en plus mon second foyer, ou j'ai de la famille et des amis intimes. Chanter au Théâtre El Duende, c'est un beau cadeau.