Matinée farniente, j'aurais pu aller voir les projections de court métrage et la diffusion de Blancanieves que j'ai raté à sa sortie, mais non, levée trop tard ! alors ce sera lecture sur la terrasse et soldes en ville, passage obligé de chaque festival.Ce soir c'est mon premier spectacle au café cantante. Dans la file d'attente un jeune homme de quinze ans explique à son entourage les arcanes du cante, posément avec le sourire, il partage sa passion et son héritage familial. Grâce à lui l'attente se fait plaisir. C'est promis ce soir on ira l'écouter chanter au Cafémusic.
De la Barrosa a la Caleta : Appellation d'Origine Contrôlée.C'est essentiellement pour écouter David Palomar que j'ai fait cinq cent kilomètres en pleine chaleur autant dire que je risque la partialité. Mais à entendre les réactions du public je ne suis pas la seule. Le gamin facétieux que j'ai connu à ses débuts semble combattre maintenant son image « festera » par une introduction por martinete élégante et vibrante. Antonio Reyes lui répond avec la même solennité, la « rencontre » s'annonce belle mais Antonio disparaît vite pour laisser le champ libre à son partenaire. La guitare de Rafael El Cabeza jubile dans les bulerias, David enfile les letras avec aisance il chante debout et laisse admirer son look de « señorito » des faubourgs, élégant mais un brin provocant. Il s'assied pour les seguiriyas et rien que le « temple » nous laisse pantois, les letras sont poignantes, Cabeza va chercher l'harmonie dans cette voix puissante et la magnifie. Court mais beau. Ils revient ensuite à sa terre natale pour les cantiñas que tout le monde attend. L'introduction roule comme les vagues de la marée à l'assaut de la plage de la Caleta, on croit qu'elle va s'arrêter mais elle continue. La silhouette des anciens se dessine, il leur rend hommage, dans le choix des paroles, dans la manière d'allonger tel tercio ou en les nommant. Les gorges se nouent dans le public, Cabeza exprime cette émotion à sa façon par une surprenante falseta à cordes étouffées. Puis il conclue par « hay un carril » et tout à coup Chano est là ! même si c'est bien David qui chante à sa façon. Comment fait-il pour que cette letra culte sonne si bien Palomar et en même temps Lobato ? Tiens il pleut ! Non, je pleure … Je ne suis pas au bout de mon ravissement. Il annonce lui même le montage suivant « tangos garrotin, Piyayo y Triana tel que l'a conçu el maestro Chano ». Cabeza donne le ton par une falseta aux sonorités de guajira et « si tu mare no te casa », « el chino como era chino », « si juego a la brisca pierdo », « ya vienen bajando »et tant d'autres s'enchaînent. On le sent dans son élément savourant chaque parole, mais c'est dans les tanguillos de Cadiz qu'il donne toute la mesure de son soniquete verbal, bonimenteur, malicieux, picaresque. Tout ce que j'aime ! Je reprendrais bien un peu de cet AOC là mais c'est le tour de la cuvée de Chiclana et le peu que j'ai entendu tout à l'heure m'a mis l'eau à la bouche.
Antonio Reyes c'est un autre style, le costume est plus sobre, les cheveux plus disciplinés, et la présence plus réservée, mais l'élégance est racée et l'autorité naturelle. Sa voix claire pose le cadre serein dans lequel il va dérouler les soleares qu'il maîtrise brillamment en commençant par Alcala. Il recentre le public et l’emmène ensuite dans des tangos extremeños délicieusement lents mais sans se départir de la thématique de la peine profonde. Il les termine par un fandango intense et noir comme les seguiriyas qui vont suivre. Le public est pétrifié. L'écoute est attentive. Finalement Antonio désamorce sa bombe par des bulerias au thème saisonnier avec encore une pensée pour Camaron, avant de terminer par des fandangos qu'il vient chanter en devant de scène. La prestation est impressionnante et autant nourrie que celle de David Palomar. Une inquiètude s'immisce cependant dans les pensées pendant le final qui réunit por fiesta les deux chanteurs : la soirée n'est pas finie, il reste encore le « deuxième spectacle » Mais jusque là le plaisir ne nous a pas quitté, nous restons confiants...
De Huelva a Sevilla : De la difficulté du patchworkAffiche alléchante : La Susi avec Diego del Morao. Hélas, la señora ne se sentait pas bien, elle n'a pourtant pas hésité à monopoliser la scène avec moins de grâce que d’opiniâtreté. Fandangos interminables, soleares sans temple, une remontrance au sonorisateur et le renfort de los Melli et de Torombo pour des bulerias façon copla, celles qui ne supportent pas la lourdeur. Je préfère oublier la prestation de Diego, si on m'interroge je dirais que je n'y étais pas et j'attends de le voir dans de meilleures dispositions. La deuxième (!) partie proposait Carmen Ledesma et El Choro à la danse. Carmen impériale comme à l'accoutumée por cantiñas et tientos n'a pas réussi à soulever la chape de plomb qui engourdissait les cerveaux des spectateurs après plus de trois heures de spectacle mais sa réputation n'est plus à faire. Par contre El Chorro s'est bien défendu et on lui accordera sans conteste nos deux oreilles, celles-là même qui n'en pouvaient plus des sorties de danse avec les trois chanteurs ensemble tonitruant à qui mieux mieux. A minuit et demi les otages furent libérés. Laconique, mon voisin lâcha un « c'était trop long » . Et un peu tard pour aller profiter du off. Un passage au Cafémusic et au lit. Il fera jour demain.