Dave Holland et Pepe Habichuela ont été présentés en 2006 par le regretté Mario Pacheco, producteur du label indépendant Nuevos Medios, parce que ce dernier pensait qu'ils auraient un bon feeling musical, et ce fut le immédiatement le cas, comme le rapporte le musicien anglais Dave Holland sur son blog. Que de bonnes inspirations tu as eu Mario Pacheco ! Et celle là ne fut pas des moindres ! (Apparement, Pepe Habichuela fut le premier artiste flamenco a avoir signé chez cet indépendant). Le fameux contrebassiste de jazz et le guitariste de flamenco se retrouvent en 2007 au Théâtre de Séville pour une session de concerts qui fera date auprès des auditeurs. Non seulement "Hands" (2010), l'album né de leur fructueuse collaboration est un disque magnifique, mais le concert est également un formidable moment musical. Preuve en a été donnée au New Morning à Paris mardi 9 avril 2013 dernier, dans une salle comble et impatiente. Dans la très flamenca famille Habichuela, la fusion et la rencontre avec d'autres musiques est une spécialité, et c'est aussi, à chaque fois, une réussite.
"Je peux dire que maintenant, nous sommes deux gitans, ou plutôt, pour mieux dire, que, lui est gitan, et moi quasi anglais" déclare avec humour Pepe Habichuela, enchanté de l'écoute respectueuse du public français venu nombreux pour cette date exceptionnelle, et tout étonné de jouer dans ce temple du jazz qu'est le New Morning. En effet, le contrebassiste est complètement habité par les sonorités du flamenco, et tous jouent ensemble avec un plaisir évident. La dimension du jeu est très présente chez les percussionnistes Bandolero et Juan Carmona. D'après Michel Contat (dans Télérama), Dave Holland "apprend littéralement le flamenco gitan des mains d'un maître qui avait déjà dialogué avec Don Cherry" ce à quoi on pourrait ajouter qu'il l'avait sans doute à l'intérieur de lui, pour jouer ainsi, avec une sensibilité tellement flamenca.
Le concert commence par une buleria. Toute la rondeur du son de Pepe Habichuela sonne dans le fandango qui suit, "Hands". Puis Josemi Carmona (fils de Pepe et un des fondateurs de Ketama) prend les devants avec "The Whirling Dervish", un des morceaux les plus jazz du disque (composé par Dave Holland!). Les deux solos des percussionnistes semblent interminables...Suivent une alegria et une taranta en hommage à Camaron de la Isla, où la contrebasse et la guitare dialoguent avec sentiment, quejio et majesté. Le premier set se termine avec une seguiriya.
En deuxième partie, on écoute une caña, des tientos, une magnifique granaina, et une alegria en solo par Pepe. Le concert s'achève avec la rumba "El ritmo me lleva". Le public demande un rappel, les musiciens ne se le font pas rappeler deux fois, et reviennent avec des tangos.
“La musique s'apprend avec le coeur, non avec les partitions". Dave Holland ne pouvait pas mieux décrire l'essence de cette rencontre et de ce concert, qui fut un excellent moment de complicité musicale entre les 5 musiciens. Le groupe est actuellement en tournée à travers l'Europe.
Crédits photgraphiques : Christian Ducasse