"DE batiendo" est le titre donné par Marco Vargas et Chloé Brûlé à cet intermède dansé dans le cadre d’une soirée débat du Forum d’action Modernités ayant pour thème « se transformer les uns, les autres, une voie pour l’avenir de l’humanité », qui a eu lieu le 23 mai 2011 au Théâtre du Rond Point à Paris. C’était la première apparition sur une scène parisienne de ce couple de danseurs, très connus en Espagne et plusieurs fois primés.
Ils nous ont offert une réflexion dansée sur l’individu et la nécessité de se transformer, de se reconstruire, de débattre. "Un pas de trois avec bata de cola". Débattre : est-ce discuter avec vivacité et chaleur en examinant les aspects contradictoires d'une question, d'une affaire ? est-ce lutter violemment pour essayer de se dégager ? Sans doute les deux à la fois. La danse flamenca de Marco Vargas et Chloé Brûlé, de grande qualité artistique et technique, leur permet de porter ces interrogations.
Une impression de mystère entoure ce pas de deux ou de trois, renforcée par les couleurs obscures de leurs habits et la lumière crépusculaire. Leur danse est portée par une très belle musique du pianiste Diego Amador : une rondeña pour envelopper de mystère la rencontre de ces deux danseurs et un fandango pour lui apporter une clarté.
La coordination entre les deux danseurs impressionne et c’est bien une des intentions de cette chorégraphie dans laquelle, peu à peu, les corps fusionnent après maintes recherches de contacts, de rejets, d’assemblages. Les bras s’enlacent, se délacent ; les mains se croisent les corps s’effleurent, s’étreignent, se repoussent. La bata de cola portée par Chloe Brûlé, vecteur de cette rencontre, quitte son rôle d’accessoire pour devenir acteur-danseur de ces ballets. Le flamenco et leur parfaite technique donnent une puissance à chacune des émotions qu’ils expriment.
C’est une lente métamorphose des corps qui s’opère, où le féminin se confond avec le masculin, s’en sépare, une rencontre pour donner naissance à une chrysalide à l’issue mystérieuse. Portée par Marco Vargas, Chloe Brûlé quitte la scène comme un long insecte attiré par la lumière. C’est l’histoire d’une métamorphose qui inquiète mais qui fascine aussi, comme les changements de notre monde.
Les spectateurs ont été séduits et ont ressenti cette complicité entre les deux danseurs, complicité acquise à travers les spectacles qu’ils ont montés ensemble : Las 24, TI-ME-TA-BLE, ¿Hacia dónde? Leur présence scénique leur permet d’inviter le public à participer à leur réflexion.
Cette représentation s’inscrivait parfaitement dans cette soirée où les voies pour un changement de notre société étaient explorées par des sociologues, philosophes, économistes et artistes. Pour reprendre un des thèmes débattus dans ces conférences autour de « La voie » d’Edgar Morin reprenant les mots d'Heidegger : « L’origine est devant nous. La métamorphose serait bel et bien une nouvelle origine. ». La danse de Marco Vargas et de Chloe Brûlé apporte sa part d’interrogation et un début de réponse à travers une très belle recherche corporelle.