Rocio, tu es de Malaga, tu as commencé à trois ans, quel est ton tout premier souvenir ?
Je me souviens très bien que ma mère m'a emmenée à l'académie de mon village à l'âge de trois ans,
je buvais de l'eau dans un biberon, et j'ai fait un cours d'étirements et de coordination, c'est comme cela que ça a commencé.
Combien as-tu de frères et soeurs ?
J'ai un frère aîné. Il m'a vue danser seulement quatre fois.
Il était très fier la dernière fois car cela faisait huit ans qu'il
ne m'avait pas vue et ce fut la même chose pour mon père, qui est cuisinier sur un bateau de pêche.
Comment te voit ta famille maintenant ?
Ma mère m'a suivie de 3 à 17 ans, elle m'a toujours accompagnée.
Moi je vois que c'est ma façon de vivre et mon travail en même temps, mais ma famille me voit un peu comme la fille spéciale, ils voient ça d'un 'il extérieur.
Pour ma mère c'est une chance d'avoir une fille qui se consacre à la danse car elle a été danseuse classique jusqu'à 19 ans à l'Opéra de Bruxelles, elle a dansé avec Noureev aussi.
Avec qui as-tu étudié le flamenco ?
Je n'ai pas eu un professeur en particulier. Tu sais j'ai étudié avec beaucoup de monde,
j'ai étudié avec Rafi (ndlr : Rafaella Carrasco) quand j'étais plus jeune,
avec des gens de Séville; j'ai appris le folkflore, l'école boléra,
j'ai étudié avec plusieurs professeurs à Malaga et à Grenade,
j'y ai suivi l'enseignement de Mariquilla, quelqu'un qui m'a transmis un peu plus de passion.
Ton parcours croise Antonio CANALES, Maria PAGES, que retires-tu de ces expériences?
Ce sont de bonnes et jolies expériences. Par exemple j'ai un souvenir tendre de Maria,
car j'ai appris beaucoup de choses et surtout la convivialité au sein de la compagnie.
Maria est une personne extrêmement intelligente, j'ai beaucoup appris d'elle.
En ce qui concerne Antonio, j'ai peu travaillé avec lui, mais ce que je retiens,
c'est l'énergie qu'il transmet au groupe, on en ressort tous plus forts.
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C'est ce que tu veux faire avec la compagnie que tu es en train
de monter et l'école que tu es en train de d'ouvrir à Madrid?
Ce qui me plaît le plus est de transmettre mon énergie au public et à mes musiciens afin que tout le monde en profite.
Ca fait 6 ou 7 ans qu'on travaille ensemble, il y a un lien entre nous, on est unis par quelque chose, on ne sait pas bien quoi'
Ils se sentent bien avec moi et moi c'est pareil. Avec eux je suis moi-même, car j'aime leur musique et la façon dont ils la créent. Je leur donne une liberté totale, ils font ce qu'ils veulent.
"Je cherche toujours
à atteindre mes limites"
Tu parles souvent de liberté dans ta danse, libre de tes envies, en sincérité totale, que cherches-tu à dire à travers cette vérité ? Que t'apporte-t-elle ?
C'est comme cela que j'aimerais que le monde soit.
Parce que je n'aime pas les gens faux, ni les mensonges, ni les imposteurs.
Je déteste l'injustice et tout ce type de choses.
Comme tout le monde je me sens impuissante,
mais j'ai la grande chance de pouvoir monter sur scène et là il n'existe pas d'injustice.
C'est çà ma liberté, ma vie, pouvoir exprimer ce que je veux. En réalité je deviens intouchable sur scène.
Si le public aime ou non, c'est son choix, il peut se lever et partir, moi je fais ce dont j'ai envie.
L'artiste connaît l'ivresse des tournées,
la magie des représentations, mais aussi la solitude à certains moments de sa vie,
parfois liée au fait de dépendre du désir des autres. Des moments difficiles à gérer,
dans l'attente d'un projet ou l'abandon après la tournée, car la famille s'est dispersée.
T'en es-tu inspirée pour le spectacle « Almario » ?
Peut-être que je me trompe, mais je pense que la majorité des artistes sont très seuls.
Grâce à Dieu, moi j'ai toujours un ange gardien, quelqu'un de spécial sur qui m'appuyer.
Mais je crois que la personnalité de l'artiste a en réalité une certaine carence,
l'artiste est très seul, il a besoin d'être aimé, d'être rassuré.
C'est très facile d'accéder aux artistes car on leur dit des choses gentilles
et c'est ce qu'ils recherchent. Je pense que nous sommes faibles en réalité.
La solitude, j'en ai besoin, ça me fait très mal, ça me déprime, ça me tourmente, ça me rend malade, mais j'ai besoin de toucher le fond pour pouvoir refaire surface.
J'aime et je recherche beaucoup la solitude. J'ai besoin d'être seule, même si ça me fait souffrir.
Tu réfléchis beaucoup sur toi ?
Oui, je pense beaucoup quand je peux et j'en ai besoin.
Aimes-tu lire ?
Oui, j'adore. Ce que j'apprécie, ce sont les livres dans lesquels je peux apprendre.
J'aime les livres consacrés aux sciences, les livres d'études, les biographies'
J'aime les romans, mais plutôt pour le divertissement.
Aimerais-tu interpréter un personnage de roman ou réel comme Frida Khalo ?
Tout le monde aimerait interpréter Frida ! Nous les femmes, on peut facilement s'identifier à
ce personnage si fort. Dans le flamenco, on en parle beaucoup.
J'ai été dans sa maison, je l'ai vue, j'ai lu sa biographie. J'adore cette femme.
Cependant, je ne pense à personne de particulier que j'aimerais interpréter.
Avec le temps sûrement, oui. J'aime les contes, mais plus pour transmettre un message, une émotion.
Dans mes spectacles, pour l'instant, je travaille plus sur l'émotion que sur une histoire concrète.
J'aime transmettre un sentiment, une émotion, pas une histoire.