Quand as-tu pris la décision de créer ta propre compagnie ?
Ce n'était pas vraiment réfléchi au départ. Ce fut peu de temps après avoir gagné le Concours de la Biennale de Séville 2002 (Primero Premio de los Jovenes Interpretes) que le Festival de Jerez m'a invité en 2003 à partager un jour la scène avec Rafaela CARRASCO. A partir de cette proposition, j'ai commencé à former ma compagnie, ce n'était pas réfléchi, cela s'est fait petit à petit, comme un puzzle, réunissant le baile, la musique...
Comment travailles-tu avec tes musiciens ?
C'est merveilleux parce que le guitariste se trouve être mon fiancé (Santiago LARA)...les chanteurs sont comme des membres de ma famille...C'est un peu compliqué car il y a beaucoup de confiance entre nous et c'est là que surgissent les problèmes dès lors que l'on parle de la famille. Mais le fruit de notre travail est là, cela nous fait vibrer et tout devient particulier sur scène...
Serais-tu tentée de travailler avec des artistes extérieurs au flamenco, ayant d'autres origines musicales par exemple ?
Je ne l'ai jamais fait, mais je ne renonce pas à cette idée. Je crois qu'il faut tenter chaque expérience. Si les choses sont faites sur des critères justes, des fondements et avec sincérité -comme je t'en parlais tout à l'heure-, je crois que le résultat est toujours à la hauteur. C'est valable aussi pour le travail bien fait.
"Je suis ma propre critique"
Le flamenco évolue avec le temps et les nouveaux artistes, comment le vois-tu dans dix ans ?
Je crois que la tradition ne se perdra jamais parce qu'il y a des gens qui luttent pour elle. Il y a des artistes qui luttent pour sortir une bata de cola, un éventail, un manton, la tradition est bien présente. C'est la fontaine où tout le monde se doit de boire, elle ne va pas disparaître. Ce qui se passe c'est que la personnalité de chacun est différente chaque jour, chaque année qui passe l'un se sent plus distinct de l'autre, ainsi la personnalité change. Mais je ne crois pas que la tradition fusionnera avec autre chose, elle restera toujours là.
Comment perçois-tu le monde de la critique ?
La critique affecte, qu'elle soit bonne ou mauvaise. En fait, j'essaye de ne pas la lire, la bonne comme la mauvaise, afin qu'elle ne me touche pas. Ça m'est égal si on parle en bien ou en mal, je ne veux pas la lire. Je sais moi-même quand je fais bien les choses ou pas du tout. Je suis tellement exigeante avec moi-même que je suis ma première critique.
Que représente la ville de Jerez pour toi et pour le flamenco ?
Pour moi c'est ma manière de danser. Jerez m'a donné mon style, tout. C'est comment je respire, comment je marque le baile...Jerez m'a beaucoup enseigné.
C'est une ville très importante pour le flamenco, je crois qu'ici il y a un style spécial comme celui de danser la buleria. On y chante très bien depuis toujours, on y joue très bien de la guitare.
Tu transmets ton art du baile à ton école de danse de Jerez, ici aux stages du Festival, mais aussi à travers le monde. Les élèves viennent de tous les continents pour apprendre avec toi. Que t'apporte cette expérience ?
J'adore donner des cours parce que j'apprends beaucoup. J'apprends des gens, des élèves parce que chacun danse différemment, avec sa propre personnalité. J'essaye de donner le maximum de moi-même et de le communiquer à tout le monde.
As-tu des conseils pour eux ?
Qu'ils aiment le flamenco, qu'ils écoutent le chant car c'est très important pour danser le flamenco. Qu'ils intériorisent tout ce qui a été appris en cours, ils pourront ainsi l'exprimer. Tout peut s'apprendre même quand quelqu'un dit "Ouh c'est difficile! Çà je ne peux pas y arriver". On peut tout faire, tout est réalisable.
Quels sont tes projets ?
En ce momento je continue les représentations du spectacle JUNCA, nous allons en France, en Espagne. Nous sommes sur la tournée. Nous préparons aussi un nouveau spectacle pour l'année prochaine.
Les tournées représentent beaucoup de valises. Quels sont les objets qui ne te quittent pas ?
Le dentifrice et la brosse à dents! Toujours !
Dans tous mes sacs il y a la paire! Et une Vierge aussi…(elle rit)
Si tu devais réinventer l'histoire du flamenco comme un conte de fées, que raconterais-tu ?
Je ne sais pas...je raconterais mon histoire: "Il était une fois une petite fille qui ne venait pas d'une famille flamenca, ni gitane. Elle avait trois ans et désirait des chaussures de danse pour danser le flamenco. C'est venu tout seul et comment est-ce arrivé ? (elle me regarde interrogée par ce mystère heureux) D'où est venue l'inspiration à cette petite fille ?" Ça pourrait être une histoire comme çà...