Curro, tu viens d'une famille flamenca, quel est ton premier souvenir du flamenco ?
Je viens comme tu dis d'une famille flamenca, et mon premier souvenir était d'écouter mon grand-père chanter à la maison. Mon grand-père est considéré
comme le patriarche du cante minero, mon père joue de la guitare, et deux de mes frères, Carlos et Pepe, sont guitaristes. J'ai donc des souvenirs depuis mon
enfance, depuis 7/8 ans.
Que t'a apporté ta famille ?
Ma famille ma transmis tout un héritage musical et le folklore propre aux cantes mineros qui sont des chants très importants du flamenco en Espagne.
Tu joues aussi de la guitare, non ?
Oui, je dis toujours que je suis un guitariste frustré. Ma vraie joie est de jouer de la guitare. Je chante "pour chanter" mais en réalité j'aime beaucoup
jouer de la guitare. Je l'utilise pour donner mes cours au conservatoire, et je considère que le cante n'aurait pas évolué de la façon dont il a évolué sans la guitare.
Qu'est-ce que ça t'apporte d'avoir un frère tocaor ?
C'est une chose importante car nous formons toujours un binôme, il y a un dialogue entre le chant et la guitare. Vivre dans la même maison nous a permis de réaliser
notre apprentissage ensemble, ça nous a permis d'avancer et de grandir ensemble au sein du flamenco, lui avec la guitare et moi avec le cante. Nous travaillons
quasiment toujours ensemble donc on se comprend presque parfaitement quand nous travaillons à deux.
As-tu un palo favori dans le flamenco ?
Non, je me considère comme un amant du flamenco, un passionné de tous les palos du flamenco. Logiquement, je suis né dans une famille où l'on
interprète en majorité les chants des mines. Ce sont des chants très durs, qui n'ont pas de compas comme peut avoir la buleria, mais ce sont des chants
avec un son profond, les cantes de las minas sont des chants très durs.
Mais je considère que la beauté du flamenco c'est avoir la capacité de tout chanter et de s'identifier aux différents états d'esprit qui correspondent aux chants, que
ce soit une siguiriya, une solea ou une buleria.
Que peux-tu dire à propos de Chano Lobato ?
Ay, mon maestro... répond Curro avec une pointe de tristesse dans la voix.
Chano a été mon maestro, j'ai eu le plaisir, la fierté, la chance de l'avoir rencontré à plusieurs concerts et j'ai eu le privilège d'être son élève.
J'ai fait de longs séjours à Séville pour apprendre les secrets du cante, par exemple le cante por buleria de Cadiz ou por alegria de Cadiz... Mais pas
seulement ces chants, Chano était un grand cantaor, un cantaor complet, avec une sensibilité peu commune, un cantaor avec tout un héritage, un savoir-être
dans le flamenco que l'on ne retrouve plus aujourd'hui.
A quels autres cantaores t'identifies-tu ?
A Chano bien sûr, à mon grand-père Antonio Piñana Padre, à Antonio Mairena, le mairenismo est une encyclopédie de laquelle tout jeune devrait apprendre
les différentes formes, les différents canons. Il y a aussi La Niña de Los Peines, Tomas Pavon... Parmi les chanteurs non gitans il y a également Pepe Marchena
ou Manuel Vallejo...Ou encore d'autres génies comme Manolo Caracol. En réalité je pense que le flamenco est un art vivant, un art en constante évolution,
qui a permis que ses auteurs et interprètes y impriment leur griffe, pour que le sac où sont stockés tous les chants grossisse chaque jour davantage.
Donc moi j'ai appris de tous. Dans le flamenco il faut être un peu comme une éponge et engranger tout ce que l'on peut.
Tu es l'un des héritiers des chants des mines, ton grand-père Antonio Piñana a reçu l'enseignement d'Antonio Grau
"Rojo El Alpargatero hijo"...
La principale ligne stylistique est celle de "Rojo El Alpargatero". C'est sont fils Antonio Grau Daucet qui a tranmis à mon grand-père en 1952 tout son répertoire de cantes.
Il a reçu toute cette tradition musicale des cantes mineros, de laquelle je me sens dépositaire, héritier. C'est une énorme responsabilité car on t'examine toujours à la loupe.
Piñana est synonyme de cante minero.
"Piñana est synonyme
de cante minero"
©Murielle Timsit
Comment décrirais-tu les chants des mines ?
Les chants des mines, concrètement forment un ensemble de chants, un répertoire. Ce sont des chants qui n'ont pas une métrique fixe, ils n'ont pas de compas.
Ce sont des cantes très difficiles à interpréter car il y a une ligne mélodique très compliquée où la maîtrise de la respiration est cruciale pour leur juste
interprétation. Il existe un grand éventail de chants, par exemple la cartagenera, qui est le fandango propre à Carthagène, c'est un chant où la respiration est fondamentale.
Il existe cinq variantes : la cartagenera del Rojo, la cartagenera de Chacon, la cartagenera de La Trini... Ensuite nous avons par exemple la levantica
où il y a deux versions, celle du Cojo de Malaga et de Rojo El Alpargatero. Il y a la taranta où là aussi il existe cinq variantes fondamentales :
la taranta de Cartagena, la taranta de Linares, la taranta de La Gabriela... Ensuite il y a par exemple la tarantilla minera où il existe cinq variantes aussi :
la tarantilla minera de La Union, La tarantilla de Rojo El Alpargatero Padre et celle del Rojo Hijo, la tarantilla de Pedro "El Morato", la tarantilla del "Pajarito".
Le taranto par exemple. Puis nous avons le fandango minero, la sanantonera, la murciana : il y a la murciana de Manuel Vallejo, la murciana de Chacon, la murciana d'El Rojo.
Il y a encore la malagueña cartagenera... Il y a un grand éventail de cantes mineros.