Penses-tu qu'un bon bailaor doit être un bon interprète ?
Je pense que oui. Je pense qu'un danseur doit être ouvert pour pouvoir interpréter des personnages. Je pense que dans le flamenco nous interprétons aussi car comme j'ai dit avant, quand on écoute une musique triste on fait des choses tristes, quand c'est joyeux des choses joyeuses, dans le fond nous interprétons un peu dans le flamenco. Mais je pense que oui, le bailaor ou la bailaora doivent être ouverts à l'interprétation de personnages, il y en a qui le font mieux que d'autres, mais il faut avoir la possibilité de le faire, et je crois que nous y avons réussi.
Comment ressens-tu le public d'ici ?
Le public d'ici est un public excellent, car en plus c'est un public qui s'intéresse beaucoup au flamenco depuis de nombreuses années, depuis le début du siècle dernier. Il y a de grands artistes qui ont pratiquement fait leur carrière en France, surtout à Paris. Il y a aussi des français qui ont écrit des livres sur le flamenco, des textes, des photographies, ils ont édité des disques de flamenco il y a très longtemps. Alors pour moi c'est un public qui s'intéresse à la culture du flamenco, et ça se voit. C'est un public qui sait quand les choses sont de qualité, c'est un très bon public.
Que t'évoque cette photo (Nous lui montrons une photo d'Antonio Gades) ?
Celà m'évoque des années merveilleuses avec un grand partenaire. Cristina feuillette le livre. Ici ce sont des photographies de l'année 70, approximativement. Nous faisions une siguiriya avec une bata de cola blanche. Là ce sont des photos de Carmen, je ne sais pas si elles ont été prises à Paris, c'est possible, nous avons fait la première le 17 Mai 1993. Cela me rappelle de merveilleux souvenirs, je dois remercier la vie. Cristina continue à tourner les pages du livre. Là c'est Bodas de Sangre que nous avons aussi étrené au Théâtre de Paris, ce sont de jolis souvenirs pour nous. Ce dont je me souviens c'est d'avoir été avec Antonio Gades, d'avoir tant appris de lui, car il était le meilleur. Nous avons eu des années merveilleuses, nous avons fait trois films excellents, avons parcouru le monde plusieurs fois ensemble avec les spectacles de flamenco, ce sont vraiment d'excellents souvenirs, et je remercie la vie de m'avoir donné la possibilité d'avoir été autant de temps aux côtés d'Antonio Gades. Je pense que j'ai beaucoup de chance pour ça. Quand il m'a choisie comme partenaire, j'étais très jeune et je pensais qu'il y avait beaucoup d'autres danseuses excellentes qui pouvaient être sa partenaire. Mais il m'a choisie moi, alors j'ai toujours essayé d'être à la hauteur, d'apprendre chaque jour quelque chose de nouveau, d'apprendre toujours plus, de le regarder lui, de regarder comment on faisait les chorégraphies... comment on faisait tout. Je remercie le fait d'avoir pu être à ses côtés si longtemps.
"Gades m'a choisie"
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On sent en toi beaucoup de respect pour la discipline et le goût du travail, comme Antonio Gades, ce sont des références qui te donnent de l'énergie pour créer?
Oui, bien sûr. J'ai beaucoup de respect pour tous les gens qui montent sur scène, et surtout pour ceux qui aiment énormément la danse et qui traitent le flamenco avec beaucoup de respect, je pense que c'est très important de traiter le flamenco avec beaucoup de respect. Je suis de ces personnes et le souvenir d'Antonio me donne une immense énergie pour continuer, essayer de créer, faire des choses, et faire un flamenco avec de l'émotion, de la qualité, et avec de grands danseurs et danseuses comme ici avec le Ballet de Andalucia.
"Il faut traiter le flamenco avec respect"
Tu as dit "J'ai toujours dit que le film qui reflète vraiment le flamenco reste à faire". C'est un projet actuel ?
J'ai l'espoir de faire un film sur le flamenco. Je pense qu'il y a de très bons films, mais à tous il manque quelque chose, alors je pense qu'un grand film de flamenco reste à faire et j'aimerais participer à ce projet, je pense que l'on peut mieux faire.
Maintenant que tu as décidé d'être plus en retrait, que comptes-tu faire ?
Mon projet en ce moment est de monter le nouveau spectacle pour Grenade, danser en Andalousie, et que ce nouveau spectacle ait du succès.
Ensuite je ne sais pas si je vais danser dans ce spectacle, peut-être que je danserais dans certains lieux et dans d'autres non, il y a déjà beaucoup d'endroits où l'on souhaite que je danse, je danserai si on ne m'en demande pas trop, je ne sais pas encore. Mais le projet c'est que la compagnie continue à danser dans le monde entier, c'est le projet que j'ai en tête. Cette année je pense que nous allons faire une tournée en Europe, aller en Chine, le projet c'est que le Ballet Flamenco de Andalucia continue à danser.
As-tu d'autres passions à part le flamenco ?
J'aime beaucoup aller au théâtre voir tous types de danse, j'aime beaucoup la danse contemporaine, j'adore tout ce qui est lié à la danse.
La passion que j'ai c'est le théâtre, dès que je peux je vais au théâtre, j'écoute de la musique. Mais tu sais déjà que je n'ai pas beaucoup de temps car ce n'est pas seulement danser, c'est aussi répondre aux médias, faire d'autres choses parallèles au travail de la danse. Je suis aussi très impliquée dans des associations pour la défense de la femme, les personnes atteintes du cancer du sein, alors ça m'occupe beaucoup, je suis très active. Mais je continue, j'avance, toujours en pensant à faire les choses bien, du mieux possible avec toujours beaucoup d'espoir, toujours.
Remerciements à Franck Peyrinaud
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