Interview 


©Annemiek Rooymans

Cañizares, guitarra cantaora 

Après avoir sorti un disque de musiques classiques espagnoles, Cañizares nous revient avec un flamenco puissant et très riche. Nous l'avons rencontré juste après son concert au Café Cantante. Pris sous l'aile de Paco de Lucia dans les années 1990, Cañizares a fait beaucoup de chemin et possède un toucher très personnel, moderne mais surtout très flamenco. Ses diverses collaborations avec des musiciens de styles différents ont donné à son jeu une couleur nouvelle. Rencontre avec un virtuose doté d'une sensibilité musicale inouie.


Penses-tu que le fait d'avoir interprété des pièces classiques a changé ta manière d'interpréter le flamenco ?

Oui bien sûr, toutes les expériences, dans ce cas jouer de la musique espagnole classique comme Albeniz, Falla, Turina, Granados enrichit, surtout car ce sont aussi des artistes qui ont beaucoup écouté le cante flamenco d'Andalousie au moment de composer, alors il y a une connexion entre ce qu'ils font et le flamenco, cette connexion est ce que nous avons en commun entre le flamenco et la musique classique espagnole.

Tu as une technique et un sens du toque admirables, que penses-tu de la relation entre la technique et l'interprétation dans la guitare flamenca ?

La technique doit toujours être au service d'une idée, de ce que tu veux exprimer. La technique bien sûr est importante car on ne parvient pas à l'art sans technique. Si tu as beaucoup d'idées mais que tu n'as pas la technique pour les réaliser, celà reste de la théorie, elles demeurent dans ton esprit. La technique est importante mais toujours en la travaillant en fonction de l'art, de mon point de vue c'est extrêmement important.

Ton parcours a été particulièrement marqué par ta rencontre avec le maestro Paco de Lucia avec qui tu as fait des tournées et enregistré des disques. Comment définirais-tu son apport à la guitare flamenca ?

Son apport a été immense. Ce qu'a apporté le maestro Paco de Lucia à la guitare est incroyable. Grâce à lui nous jouons de la guitare, grâce à lui il y a des festivals de flamenco au sein desquels on inclut la guitare flamenca comme guitare de concert. Je ne pourrai décrire tout ce qu'il a apporté mais il a fait un travail incroyable.


©Annemiek Rooymans
Précisément tu as transcrit des thèmes de Paco en tablatures et partitions, penses-tu que les partitions sont indispensables en guitare flamenca ?

Je ne pense pas que c'est indispensable, mais ça facilite beaucoup le travail des personnes qui ne sont pas proches de la guitare flamenca. Une partition, une tablature, il faut lui donner de la vie, il faut lui donner du sens, et ce sens naît de l'expérience. Il est important d'avoir la musique, mais c'est encore plus important de vivre la musique pour pouvoir donner vie à ce papier.

De ton premier disque de flamenco "Noches de Iman y Luna" et du second "Punto de encuentro", dirais-tu que ce sont deux styles différents ou que le second est la finalité du premier ?

Non, ce sont deux façons de jouer différentes, deux façons de voir différentes. J'essaye toujours de ne pas me répéter. Un disque pour moi est un défi, un défi avec moi-même. C'est un dépassement de laisser certaines expériences derrière soi et d'en trouver d'autres, de chercher. Alors oui, bien sûr, chacun de mes disques est une produit indépendant, je le vois de cette façon, chacun de mes disques essaye d'apporter quelque chose à la musique flamenca, qui est ma musique, celle avec laquelle je suis né. Evidemment c'est un travail difficile car apporter quelque chose c'est toujours... c'est comme un enfantement, il faut travailler, travailler beaucoup.

NB : "Punto de Encuentro" est le troisième album de Cañizares mais le second comportant des transcriptions d'Albeniz il n'a pas été pris en compte dans la question.

Dans l'alegria de "Punto de Encuentro" tu arranges les coplas traditionnelles de l'alegria, penses-tu que la guitare est une forme de cante ?

Oui, bien sûr. Le guitariste de flamenco essaye de chanter avec la guitare car le cante (la danse aussi), est une partie essentielle du flamenco. Le guitariste flamenco essaye d'imiter la voix du cantaor, il essaye de chanter avec la guitare, je pense que c'est ce qu'il se passe dans toutes les musiques, on essaye d'imiter la voix. Mais la voix a beaucoup plus de mélismes, est plus libre, il n'y a pas de touches, c'est beaucoup plus aérien. Il y a des mélismes et des mélodies qui se créent et c'est intéressant de pouvoir les amener à la guitare et les jouer. Le cante dans le flamenco est fondamental.

Remerciements à Séverine pour la traduction des questions en espagnol.

Traduction des réponses : Murielle Timsit


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flamenco-culture.com - Anatole Elichégaray - 08 Juillet 2009